Intelligence artificielle et création de contenu : faut-il encore lutter ?
- Victor Ferry
- il y a 3 jours
- 4 min de lecture
Il y a deux ou trois ans, l’intelligence artificielle a commencé à faire irruption dans notre travail de créateurs. Aujourd’hui, elle s’est installée. Elle progresse, elle s’améliore, et elle devient chaque jour un peu plus capable de faire ce que nous faisions — parfois même mieux, plus vite, plus efficacement.
Alors, faut-il s’inquiéter ? Faut-il s’adapter ? Et surtout : comment rester pertinent, dans un monde où l’effort humain semble peu à peu remplacé par la commodité algorithmique ?
Ce que l’IA a déjà changé
Quand j’ai lancé ma chaîne Parle, je consacrais des heures à peaufiner chaque vidéo. Le style était ciselé. Les idées étaient formulées avec précision. Et souvent, je finissais par une tirade en vers. Ce n’était pas juste du fond, c’était une forme travaillée, pensée pour marquer les esprits.
Mais aujourd’hui, écrire des vers n’impressionne plus. Il suffit de demander à une IA comme ChatGPT de le faire à notre place. L’effet « waouh » disparaît, remplacé par le soupçon : Et si c’était un robot ?
Résultat : le format que j’utilisais est devenu obsolète. Ce que je proposais, l’IA peut maintenant le faire. Ce qui impressionnait hier devient une banalité.
Le vrai danger pour les créateurs
Ce n’est pas l’IA en elle-même qui menace les créateurs, mais ce qu’elle nous fait perdre : notre créativité.
Et surtout, la capacité de l’exercer dans la difficulté, dans la contrainte.
Avant l’IA, créer demandait de l’effort. Il fallait s’arracher les idées, tester, se planter, recommencer. Ce processus laborieux forgeait une pensée. C’est parce que j’ai galéré que j’ai fini par formuler des idées fortes, que j’ai pu les incarner, les transmettre.
Mais si l’on commence une carrière de créateur après l’IA, sans avoir connu cette exigence, on risque de passer à côté de cette transformation lente, intime, précieuse : celle qui fait de vous un vrai penseur, un vrai auteur.
Et ça, ça se voit. Une tête pleine, ça se remarque. Une tête vide aussi.
Comment utiliser l’IA intelligemment
Je n’ai rien contre l’IA. Je l’utilise tous les jours. Mais je refuse d’en faire une béquille intellectuelle.
L’IA doit être un outil de feedback, pas un producteur de fond. Une bonne question à poser à une IA, ce n’est pas « Donne-moi des idées », mais :
Voici ce que j’ai pensé. Comment l’améliorer ? Quels sont les angles morts ?
Tant que vous êtes dans l’effort, tant que vous produisez, que vous écrivez, que vous doutez — vous restez humain. Et vous avez quelque chose d’unique à proposer.
Ce que l’humain a encore à offrir
Un humain, ça galère. Ça se plante. Ça doute. Et c’est parce qu’il doute qu’il peut aider les autres à traverser leurs propres doutes.
L’IA, elle, ne doute pas. Elle n’échoue pas. Elle ne connaît pas la peur de la feuille blanche. Or, cette peur est précieuse. Elle est le signal que vous avez encore un terrain à cultiver, un esprit à nourrir, une voix à affirmer.
Mais si vous laissez l’IA faire à votre place, vous n’apprendrez jamais à penser vraiment.
Trois formats à adopter pour rester pertinent
Je terminerai par trois formats qui me semblent essentiels pour continuer à créer en étant inimitable :
1. Le format
“face caméra sans filet”
Ce que vous êtes en train de lire (ou peut-être de regarder, si vous avez vu la vidéo), je l’ai improvisé en marchant. Je suis parti d’une idée, je l’ai laissée se développer. Et en marchant, en pensant, en parlant, j’ai tissé un raisonnement.
Ce format vous oblige à penser avant de parler. Il montre que vous êtes capable de tenir un discours sans script. Pour le moment, c’est encore difficile à simuler avec une IA.
2. Le format
live
Un humain qui interagit en direct, qui improvise, qui répond à des questions, qui débat — ça reste impressionnant. C’est vivant, incarné, imparfait. Et c’est pour ça que c’est précieux.
Faire des lives, répondre au public, improviser : tout cela montre que vous avez une pensée vivante, pas une pensée préfabriquée.
3. Le format
multimodal
C’est la piste que je travaille actuellement pour relancer Parle. Il ne s’agit plus d’un simple discours, mais d’un parcours intellectuel filmé. On suit une enquête, on voit les hésitations, les lectures, les errances. On voit aussi le corps en mouvement, les changements de décor, les phases de doute et d’enthousiasme.
Ce type de format ne montre pas seulement une pensée : il montre un humain en train de penser.
Conclusion : vous avez encore une carte à jouer
Les IA finiront peut-être par faire des vidéos crédibles, avec un personnage qui se mouche, qui hésite, qui trébuche. Mais elles n’auront jamais votre personnalité, votre histoire, vos échecs, vos lectures, vos combats.
Si vous ne vous montrez pas maintenant, si vous ne posez pas les fondations d’un lien authentique avec le public, vous serez interchangeable.
Et donc, remplaçable.
Alors montrez votre tête. Dites vos idées. Faites des erreurs. Publiez. Construisez une voix.
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